Les forces en présence
Du point de vue quantitatif, les Soviétiques était largement en mesure d'exercer le contrôle maritime dans le secteur, d'autant que les forces de l'Axe ne pouvaient espérer y envoyer des navires par le détroit des Dardanelles, la Turquie ayant choisi de rester neutre. Au déclenchement de l'opération Barbarossa le 22 juin 1941, la flotte soviétique de la mer Noire, commandée par le vice-amiral Filipp Sergeïevitch Oktiabrskiy, disposait d'un vieux cuirassé de la classe Gangout modernisé dans les années 1930, le Parijskaïa Kommouna, de six croiseurs (dont les modernes Vorochilov et Molotov de la classe Kirov), d'un destroyer lourd, le Tachkent (construit en Italie), de deux destroyers de classe Leningrad (le Moskva et le Kharkov), de seize contre-torpilleurs et de quarante-quatre sous-marins. À cela venaient s'ajouter de nombreux navires auxiliaires dont quatre-vingt-quatre vedettes lance-torpilles.
Dans le camp de l'Axe, la marine roumaine disposait de moyens de loin inférieurs à ceux des Russes. À l'entrée en guerre, elle ne comptait que quatre destroyers (les Mărăști et Mărășești de la classe M et Regele Ferdinand et Regina Maria de la classe R, tous construits en Italie), trois corvettes de 250 t, trois canonnières, sept mouilleurs de mines, trois vedettes lance-torpilles et un seul sous-marin, le Delfinul, lui aussi construit en Italie. Quant à la marine bulgare, elle était hors jeu, la Bulgarie ayant sagement refusé d'entrer en guerre contre l'URSS.
En ce qui concerne les forces aériennes, la Luftwaffe représentait aux yeux des Russes une menace sérieuse pour leur flotte, au point que Staline demanda en 1943 que les unités majeures de la flotte restent dans leurs bases pour éviter de les perdre. En réalité, la Luftflotte IV n'acquit que temporairement la supériorité aérienne face aux VVS sur la mer Noire, la plupart de ses ressources étant destinées en priorité au soutien des opérations terrestres.
Une requête allemande
Pour poursuivre leur offensive vers l'Est et occuper intégralement la Crimée, les Allemands devaient tenter de mettre un terme à la quasi liberté de circulation dont bénéficiaient les navires soviétiques pour ravitailler les places-fortes assiégées de la péninsule. Cependant, les premières unités légères de la Kriegsmarine ne commencèrent à gagner la mer Noire qu'entre mai et juin 1942, en suivant le cours du Danube. La 1. Schnellboot-Flotille comptant six vedettes lance-torpilles S-boote fut ensuite renforcée par la 30. Unterseebootsflottille comptant 6 sous-marins côtiers type IIB en octobre 1942.
Mais pour faire face à la puissance de la flotte soviétique de la mer Noire, les Allemands décidèrent de solliciter leur allié italien, impressionnés par les succès remportés par les unités d'assaut de la Regia Marina en 1941. Ainsi, le 14 janvier 1942, le Großadmiral Erich Raeder convia l'amiral Arturo Riccardi, chef d'état-major de la Regia Marina, à Garmisch-Partenkirchen pour officialiser la demande allemande et discuter des modalités pratiques de l'utilisation des unités légères de la marine italienne en mer Noire. C'était la première fois que les Allemands demandaient à leur allié transalpin un soutient militaire, et l'amiral Riccardi s'empressa d'y répondre. Pour cela, il décida l'envoi des quatre MAS de la 19a sq. MAS, des six sous-marins de poche CB de la 1a sq.smg. CB, des cinq MTSM et des cinq barques explosives MTM de la 101a sq. mezzi speciali. La flottille, désignée IV fl.MAS, fut placée sous les ordres du célèbre C.F. Francesco Mimbelli, décoré de la MOVM et très apprécié des Allemands pour son action sur le torpilleur Lupo lors des opérations contre la Crête.
Le problème du transport
Pour gagner la Mer Noire, les quatre MAS de la 19a sq. MAS furent montés sur des semi-remorques de la société milanaise Fumagalli qui partirent de Mestre le 22 avril 1942. Le convoi gagna Vienne par la route du Brenner, non sans difficultés. Les soldats du génie qui l'accompagnaient devaient faire preuve d'ingéniosité pour faire passer les navires sous les ponts ou traverser des villages aux rues étroites. Il fallut parfois se résoudre à détruire un pan de mur ou décharger les navires des remorques. Une fois arrivés dans le capitale autrichienne, les navires furent mis à l'eau et remorqués sur le Danube jusqu'à Galati avant de rejoindre par leurs propres moyens le port roumain de Constanța, qu'ils gagnèrent le 4 mai. Constanța devint naturellement la base logistique de la flottille italienne en mer Noire, puisqu'il s'agissait du seul port roumain disposant des infrastructures adéquates et se trouvant suffisamment éloigné du front.
Les sous-marins CB effectuèrent le voyage par voie ferrée, quittant La Spezia le 25 avril et arrivant à Constanța le 2 mai.
Quant aux MTSM et MTM, ils furent regroupés dans la colonne baptisée Comandante Moccagatta, comptant 31 véhicules, qui quitta La Spezia le 5 mai sous les ordres du C.C. Aldo Lenzi. Les embarcations furent chargées sur les camions en gare de Vérone pour franchir le col du Brenner le 7 mai avant de continuer par voie ferrée jusqu'à Simferopol qu'elles gagnèrent le 19 mai. La dernière partie du trajet fut effectuée par la route pour atteindre le port de Foros entre le 22 et le 23 mai. Toutes les unités italiennes étaient finalement en mer Noire.
Le choix des bases opérationnelles fut laissé à l'appréciation du C.F. Mimbelli, qui effectua un voyage en Ukraine et en Crimée entre le 1er et le 8 mai pour se faire son opinion. Le port de Yalta, situé sur la côte Sud de la péninsule de Crimée, fut choisi comme première base opérationnelle des sous-marins et des MAS. Bien qu'il ne bénéficie d'aucune protection naturelle, il avait l'avantage d'être à proximité de Sébastopol. Le rôle confié à la IV fl.MAS était de s'attaquer aux navires russes de transport ou de guerre dans une zone délimitée par la forteresse de Sébastopol, le détroit de Kertch et les bases navales de Novorossiisk et de Touapsé.
Premiers succès et première perte
Les deux premiers MAS opérationnels (les 571 et 573) gagnèrent Yalta le matin du 27 mai 1942 avec le C.F. Mimbelli. Les MAS 570 et 572, restés à Sulina pour réaliser quelques travaux de réparation, les rejoignirent le 6 juin. Les trois premiers CB gagnèrent Yalta le 5 juin : il s'agissait du CB 1 du T.V. Enrico Lesen d'Aston, du CB 2 du ST.V. Attilio Russo et du CB 3 du ST.V. Giovanni Sorrentino. Les trois autres sous-marins, commandés respectivement par le T.V. Ennio Suriano et les ST.V. Alberto Farolfi et Francesco Gallinaro, les rejoignirent le 11 juin.
La première mission de guerre fut menée par le MAS 571 dès le 29 mai 1942 au large de Sébastopol. Dans la nuit du 9 au 10 juin, les Italiens revendiquèrent leur premier succès en mer Noire lorsque le MAS 573 du T.V. Mataluno rapporta le torpillage d'un cargo russe de 5000 tonnes au large de Sébastopol. Il s'agit probablement de l'Abkhaziya (4727 tonnes) coulé ensuite par des bombardiers allemands dans le port. Lors de la même action, le MTSM 216 du ST.V. Aldo Massarini attaqua sans succès le destroyer Svobodniy qui faisait partie de l'escorte du cargo. La torpille n'explosa pas sans doute à cause de la course trop courte de l'arme qui empêcha le déclenchement des détonateurs.
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Le destroyer Svobodniy à quai à Sébastopol en avril 1942. (crédits photo : collection V.V. Kostritchenko) |
Le commandement soviétique fut rapidement informé de la présence des MAS et des CB dans le port de Yalta, et ordonna une attaque aéronavale pour le 13 juin. Après un raid aérien, la vedette lance-torpilles russe D-3 coula ce jour-là le CB 5, sans faire de victime. Quelques autres unités légèrement endommagées lors de l'attaque aérienne purent être rapidement réparées. Ce fut la première perte de la marine italienne en mer Noire.
Pour des raisons de sécurités, les unités italiennes avaient été réparties entre les ports de Yalta et Foros. Les MTSM et MTM de la 101a sq. aux ordres du C.C. Salvatore Todaro opérèrent depuis Foros, à 35 km seulement de Sébastopol. Le plus gros succès obtenu par cette escadrille fut l'endommagement du cargo russe Grouziya (4857 tonnes) dans la nuit du 12 au 13 juin, torpillé par le MTSM 210 commandé par le ST.V. Massarini au large de Sébastopol. Le Grouziya fut achevé au petit matin par un Junkers Ju-88 allemand alors qu'il avait accosté à Sébastopol.
Duels entre sous-marins
L'activité des CB fut particulièrement intense dans la dernière phase du siège de Sébastopol. Le 13 juin 1942, le CB 3 du T.V. Giovanni Sorrentino repéra un croiseur de la classe Kirov dans une position idéale pour l'attaque, à une distance de 1800 mètres. Sorrentino ordonna le lancement de deux torpilles contre cette belle cible, mais les deux armes coulèrent peu après leur sortie des tubes. Selon Mimbelli, ce dysfonctionnement serait dû à l'absence de révision après le transfert de Constanța à Yalta, l'atelier à terre n'étant pas encore prêt.
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Entretien des torpilles par les mécaniciens de la 1a sq.smg. à Yalta. (crédits photo : collection Renato Cepparo) |
Au début du mois de juin, Mimbelli nota une nette augmentation du trafic de sous-marins soviétiques au Sud de la Crimée. Ils étaient employés pour ravitailler Sébastopol en munitions et évacuer des personnels politiques et militaires de haut rang. Le 15 juin peu après midi, Sorrentino aperçut un sous-marin russe évoluant en surface à faible vitesse. Le CB 3 commença alors à se rapprocher de sa cible, jusqu'à arriver à une distance de 1200 mètres, à 12h26. Le CB 3 lança alors ses deux torpilles puis plongea pour se désengager. À 14 m d'immersion, l'équipage entendit une forte détonation. Les Italiens revendiquèrent le torpillage du sous-marin S-32 de la série IX-bis de la classe Stalinets. Les sources russes confirment la tentative d'attaque italienne, mais sans résultat. Le S-32 fut en fait coulé le 26 juin 1942, sous les coups de Heinkel He-111 du 2./KG 100.
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Le submersible S-32 objet de l'attaque manquée du CB 3 le 15 juin 1942. | Le CB 3 de retour à Yalta le 16 juin 1942 après l'attaque du S-32. |
Les sous-mariniers italiens revendiquèrent un autre succès peu de temps après. Au petit matin du 18 juin 1942, le CB 2 fit surface pour avoir une vision complète de la zone dans laquelle il se trouvait. À 05h00, lorsque le ST.V. Russo sortit dans le massif, il aperçut à 1800 m seulement un sous-marin stoppé. Deux minutes plus tard, le CB 2 lança sa torpille tribord qui se perdit après une course de 60 mètres à peine. Le sous-marin italien lança alors sa deuxième arme et plongea. Il avait atteint une profondeur de 17 mètres lorsque retentit une forte explosion. Le CB 2 revendiqua alors la destruction du sous-marin Shch-213 appartenant à la série X de la classe Schuka. Mais selon les sources russes, le sous-marin attaqué et manqué fut le vieux A-4 de la classe AG (pour Amerikanskiy Golland, Holland américain).
Le 18 juin, les MAS eurent également l'occasion de se distinguer. Vers 03h00, les MTSM 206 et 208 commandés par Todaro et Lenzi repérèrent deux barges transportant des soldats au large du cap Kikineis. Ne pouvant utiliser leurs torpilles contre des embarcations au tirant d'eau aussi faibles, les MTSM les attaquèrent au fusil-mitrailleur. Une fois les munitions épuisées, les MTSM regagnèrent leur base et Todaro prévint immédiatement Mimbelli qui sortit aves les MAS 570 et 571. Les deux barges soviétiques furent repérées à 05h45 et aussitôt attaquées au canon de 20/65 à une distance de 150 à 300 m. L'action, qui dura environ 1h30, fut menée presqu'exclusivement par le MAS 571, le canon du MAS 570 s'enrayant rapidement. Le ST.V. Bisagno, commandant du MAS 571, fut mortellement blessé au cours de l'action. Il reçut la MOVM à titre posthume pour cette action. Les embarcations russes furent très certainement coulées.
Le 19 juin à 21h23, le MAS 571 commandé par le C.C. Castagnacci coula le sous-marin russe Shch-214 de la série X de la classe Schuka au large du cap Aï-Todor. Provenant de Sébastopol où il avait déchargé des vivres et des munitions, le submersible retournait à Novorossiisk. Il n'y eut que deux rescapés de l'équipage de 40 hommes du bâtiment soviétique. Cette action est confirmée par les sources russes.
Le 29 juin, l'amiral allemand Schuster, responsable du Marine-Gruppenkommando Süd, envoya à l'amiral Riccardi une lettre de félicitations pour l'action menée par la flottille italienne en mer Noire. Dans ce secteur, la marine italienne réussit donc à gagner rapidement l'estime de l'allié allemand.
Pour renforcer la IV fl.MAS, la 18a sq. MAS du T.V. De Giorgi gagna la mer Noire en deux fois : le transfert à Constanța des MAS 568 et 569 débuta le 18 juin pour s'achever le 30, et celui des MAS 566 et 567 eut lieu entre le 7 et le 19 juillet.
À l'assaut des citadelles
Entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet 1942, les unités italiennes participèrent à la prise des forteresses de Sébastopol et de Balaklava aux côtés des forces allemandes et roumaines.
Le 28 juin, le MTM 80 fut lancé contre la baie de Saint-Georges dans le secteur de Balaklava lors d'une action de diversion menée au profit des unités allemandes de la 11. Armee. Ce fut la seule occasion qu'eurent les Italiens d'utiliser un MTM en mer Noire.
Les MTSM de la 101a sq. furent les premières unités de l'Axe à entrer dans le port de Balaklava, au Sud de Sébastopol, le 2 juillet vers 12h30. C'est Salvatore Todaro en personne qui fut à l'origine de cette action, qui survint alors que Balaklava était en cours d'occupation par les troupes roumaines. Il entendait ainsi affirmer le rôle prépondérant qu'avaient joué la flottille italienne dans la chute de ce bastion, privé de ses ravitaillements par la mer.
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MTSM photographié le 2 juillet 1942 entre Foros et Balaklava. | MTSM dans le port de Balaklava le 2 juillet 1942. |
Après la reddition de Sébastopol le 2 juillet, les forces de l'Axe devaient encore éliminer de nombreux foyers de résistance aux alentours de la ville. L'un d'eux, le fort Maxime Gorki du cap Khersonèse, fut encerclé par des MAS et MTSM pour couper toute fuite aux défenseurs durant l'attaque des fantassins allemands.
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Équipage d'un MTSM repêchant un soldat soviétique au large du cap Khersonèse le 9 juillet 1942. | CB dans les ruines de Sébastopol en juillet 1942. |
Entre mai et juillet 1942, les MAS effectuèrent 65 missions au large de la Crimée, contre 56 pour les MTSM et 24 pour les CB.
Cap à l'Est
Avec l'avancée des armées allemandes dans Sud de la Russie, la flottille italienne de la mer Noire transféra ses bases opérationnelles à Feodossia et Ivan-Baba, dans l'Est de la Crimée. Profitant d'un répits relatif dans les opérations, les CB furent envoyés à Constanța le 7 juillet pour y être révisés, tandis que l'entretien des MAS fut réalisé à Yalta et Gourzouf.
Les opérations reprirent au début du mois d'août 1942, lorsque les MAS furent employés pour l'escorte des barges allemandes convoyant des hommes et des armes depuis la côte occidentale de la Crimée à la rive occidentale de la mer d'Azov pour alimenter la nouvelle offensive en direction du Caucase.
Au soir du 2 août 1942, les MAS 573, 568 et 569, commandés respectivement par le C.C. Castagnacci et les ST.V. Legnani et Ferrari, prirent la mer pour escorter à distance un convoi de huit barges allemandes se rendant à Marioupol. Peu après l'appareillage, le MAS 573 subit une avarie à l'un de ses moteurs et, au lieu de rejoindre le point de rendez-vous à 40 miles à l'Est de Feodossia, resta à une dizaine de miles au Sud de ce port, dans une position idéale pour attaquer des unités ennemies qui seraient venues bombarder la côte...
Justement, les Russes, au courant de la concentration de barges de transport à Feodossia, avaient décidé de mener un bombardement nocturne du port. Pour cela, le croiseur Molotov de la classe Kirov et le destroyer Kharkov de la classe Leningrad levèrent l'ancre de Touapsé à 17h12 le 2 août. Les deux unités russes, commandées par le contre-amiral Nikolaï Iefremovitch Basistiy, s'étaient approchés de la côte et avaient ouvert le feu contre des objectifs terrestres situés entre Ivan-Baba et Feodossia peu après minuit. Le MAS 573 se lança à l'attaque du croiseur après avoir averti les autres MAS de la présence des navires soviétiques. Seul le MAS 568 reçut le signal et se dirigea au plus vite vers le lieu indiqué.
Très vite, les pièces d'artillerie légères du croiseur et du contre-torpilleur se déchaînèrent sur les attaquants. Les torpilles lancées par le MAS 573 ratèrent leur cible, mais l'une de celles du MAS 568 explosa contre la poupe du Molotov à 01h27, arrachant l'arrière du bâtiment sur 20 m environ et tuant 18 personnes. Après ce coup au but, le MAS 568 chercha à se soustraire à la réaction ennemie, mais il fut immédiatement pris en chasse par le Kharkhov. Legnani décida alors de larguer les 10 grenades sous-marines situées à la poupe de son embarcation, en réglant leur explosion à la profondeur minimale. L'entreprise réussit pleinement, puisque les grenades explosèrent devant la proue du destroyer et lui causèrent suffisamment de dégâts pour le contraindre à arrêter sa poursuite. Les unités russes quittèrent alors la zone pour rejoindre au plus vite leur base, le Molotov étant remorqué à Poti où il parvint à 22h14 après avoir essuyé plusieurs attaques aériennes. Bien que légèrement endommagés, les MAS purent regagnés les bases de Yalta et Feodossia au petit matin.
Cette action courageuse mit le croiseur lourd Molotov hors d'état de nuire pour deux ans (qu'il passa en cale sèche à Poti) et coûta au Kharkhov quelques semaines de réparation. Legnani fut décoré de la MOVM à Rome le 10 juin 1943.
Le 6 septembre au petit matin, le MAS 568 récidiva en revendiquant la destruction d'un cargo de 3000 tonnes au mouillage au Sud d'Anapa. Cette action n'est pas confirmée par les sources russes, qui mentionnent toutefois la perte du Bourevestnik coulé au large de Kertch par des navires de l'Axe le 4 septembre. Ces deux évènements n'en sont peut-être qu'un seul...
Le début de la fin
Le 9 septembre, le Großadmiral Erich Raeder en personne vint visiter les équipages italiens à la base de Yalta. Quelques heures plus tard, le port fut attaqué par des chasseurs-bombardiers russes, qui coulèrent les MAS 571 et 573 et endommagèrent sérieusement les MAS 567, 569 et 572. Seuls trois blessés, dont deux légers, furent à déplorer parmi le personnel. Pour remplacer les deux unités perdues, les MAS 574 et 575 quittèrent La Spezia le 29 septembre pour rejoindre la mer Noire le 10 octobre.
Au début du mois d'octobre, les MAS 566, 568, 570 et 572 ainsi que les MTSM et MTM furent transférés à Marioupol, sur la mer d'Azov, dans l'attente de leur départ pour la mer Caspienne, qui était prévu dès que le front aurait atteint ses rives. Les moyens de transport avaient déjà été préparés et l'itinéraire à suivre étudié en détail. Mais l'inversement du cours de la guerre empêcha ce transfert d'être mené à bien. L'ordre fut suspendu le 9 octobre, puis annulé par la suite. Pour éviter d'être pris dans les glaces, les MAS retournèrent en Crimée à la mi-novembre.
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MAS 570, 566, 568 et 572 à Feodossia le 5 octobre 1942, peu avant leur départ vers Marioupol. (crédits photo : USMM) |
Entre octobre 1942 et janvier 1943, l'activité des forces navales italiennes en mer Noire fut très sensiblement diminuée, à cause de la raréfaction du trafic soviétique consécutive à la prise de Sébastopol, du manque de carburant, des conditions météorologiques défavorables et de la nouvelle tournure des évènements sur le front terrestre, défavorable aux forces de l'Axe. Le commandement de la marine italienne décida alors de commencer à rapatrier ses équipages, laissant aux Allemands le soin d'armer les navires (après la formation des équipages en Italie) qui resteraient quant à eux en mer Noire.
Les MTSM et MTM restés à Marioupol tout l'hiver, menacés par l'avance soviétique, devaient être rapatriés au plus vite, d'autant que la Regia Marina en avait bien besoin en Méditerranée. Faute de pouvoir disposer de wagons pour leur transfert, ils furent convoyés par la route jusqu'à Melitopol entre le 12 et le 21 février 1943, non sans difficultés. De là, un convoi ferroviaire allemand les porta à Sébastopol où ils furent embarqués le 5 mars sur le cargo roumain Ardeal. Débarqués à Constanța, ils poursuivirent le voyage en train jusqu'à Udine puis La Spezia.
Malgré le rapatriement des MTSM et MTM, l'activité des marins italiens en mer Noire se poursuivit entre janvier et mai 1943 sur les MAS. Le 6 février, les quatre MAS basés à Yalta furent transférés à Feodossia à la suite du débarquement russe au Sud de Novorossiisk. Le 17 avril, sept MAS accompagnés de vedettes lance-torpilles allemandes furent transférés à Anapa pour contrer le cabotage russe dans le cadre de la tentative de reconquête de la tête de pont au Sud de Novorossiisk. Mais après quelques infructueuses missions qui virent les MAS aux prises avec des vedettes lance-torpilles et canonnières soviétiques, les opérations dans ce secteur cessèrent le 26 avril.
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MAS 567 et 570 à Sébastopol le 30 janvier 1943. | De droite à gauche : les MAS 572, 575, 574, 567, 569, 570 et 568 à Anapa le 17 avril 1943. | MAS 568, 572 et 570 à Anapa le 26 avril 1943. |
Le 12 mai 1943, une collision entre les MAS 566 et 572 provoqua la perte de ce dernier. Les MAS italiens effectuèrent leur dernière mission en mer Noire le 13 mai, au large de Yalta, après avoir abandonné les bases de Feodossia et Ivan-Baba, menacées par l'avancée des Russes. La cérémonie officielle de remise des sept MAS restant (à savoir les MAS 566, 567, 568, 569, 570, 574 et 575) à la marine allemande se tint le 20 mai. Ils furent rebaptisés S.501 à S.507 par leurs nouveaux propriétaires et utilisés jusqu'en été 1944. Les unités restantes furent sabordées en août 1944 pour éviter de tomber aux mains des russes.
En ce qui concerne les sous-marins de poche, les CB 1, 2, 4 et 6 furent transférés de Sébastopol à Constanța où ils arrivèrent le 3 décembre 1942. Le CB 3 s'y trouvait déjà en réparation suite à un accident survenu en octobre. Au début de l'année 1943, la Regia Marina fit part à son allié allemand de sa volonté de rapatrier les équipages et de laisser les submersibles à la marine roumaine. Mais la Kriegsmarine souhaitait au contraire un renforcement de la flottille italienne en mer Noire et SUPERMARINA revint sur sa décision le 12 février, assurant que les CB resteraient en mer Noire avec des équipages italiens. Les CB 1 et 6 furent remis à l'eau les 20 et 24 février. En mai 1943, l'organigramme de la 1a sq.smg. CB fut revu, et le C.F. Alberto Torri fut nommé à sa tête. Les CB repartirent pour Sébastopol fin juillet et entamèrent ainsi leur deuxième cycle d'opérations depuis la Crimée le 2 août.
Les sous-marins CB furent donc les dernières unités à combattre avec leur équipage national en mer Noire. Ils effectuèrent un total de 21 missions entre juin et août 1943. Le seul succès remporté durant cette deuxième phase opérationnelle fut celui du CB 4 du ST.V. Armando Sibille, qui coula le 26 août 1943 au large du cap Uret le sous marin Shch-203 appartenant à la série V-bis de la classe Schuka.
L'activité après l'armistice
Au moment de l'armistice du 8 septembre 1943, les CB 2, 3 et 6 se trouvaient à Sébastopol, tandis que les CB 1 et 4 étaient à Yalta. Le 12 septembre, après une entrevue avec l'amiral Gustav Kieseritzky, le C.F. Torri accepta de poursuivre le combat aux côtés des Allemands. Les CB restèrent en Crimée jusqu'en novembre, avant de regagner Constanța, où les CB 3, 4 et 6 arrivèrent le 29 novembre. Pour éviter qu'ils ne soient capturés par les Allemands, le C.F. Torri les remit à la marine roumaine le 1er décembre.
Suite à un accord entre Mussolini et Antonescu, les CB furent cédés le 30 janvier 1944 à la marine de la RSI qui les arma avec son propre personnel. Ils constituèrent le 18 juin 1944 le Gr.smg. CB "M.O. Livio Piomarta" dont l'activité opérationnelle fut des plus réduites à cause des conditions d'usure des navires. Seuls les CB 3 et 6 purent effectuer quelques missions depuis Sulina en juillet. Le 25 août 1944, suite à la demande d'armistice par la Roumanie, le CB 3 fut sabordé et les équipages parvinrent à regagner l'Italie le 16 septembre. Les quatre CB restés à Constanța furent capturés par les Soviétiques le 5 septembre. Rebaptisés TM 4, 5, 6 et 7, ils furent transférés à Sébastopol sous pavillon soviétique.
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Remise à l'eau du CB 3 à Constanța début juillet 1944. (crédits photo : collection R. Greger) |
Le CB 3 encore privé de son massif à Constanța début juillet 1944. (crédits photo : collection R. Greger) |
Date | Navire revendiqué | Tonnage | Revendiqué par | Remarques |
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15/06/1942 | Sous-marin S-32 | 1084 | CB 3 | Perte non confirmé par la marine russe |
18/06/1942 | Sous-marin Shch-213 | 708 | CB 2 | Perte non confirmée par la marine russe |
18/06/1942 | 2 barges de transport | - | MAS 570 et 571 | Le T.V. Bisagno fut tué durant l'action. |
19/06/1942 | Sous-marin Shch-214 | 708 | MAS 571 | Perte confirmée par la marine russe |
06/09/1942 | Cargo | 3000 | MAS 568 | Perte non confirmée par la marine russe |
26/08/1943 | Sous-marin Shch-203 | 750 | CB 4 | Perte confirmée par la marine russe |
Date | Navire endommagé | Tonnage | Endommagé par | Remarques |
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10/06/1942 | Cargo Abkhaziya | 4727 | MAS 571 | Le cargo sera ensuite coulé par des bombardiers allemands |
13/06/1942 | Cargo Grouziya | 4857 | MTSM 210 | Le cargo sera ensuite coulé par un Ju-88 |
03/08/1942 | Croiseur lours Molotov | 9436 | MAS 568 | Le navire fut indisponible durant 2 ans pour réparations |
03/08/1942 | Destroyer Kharkov | 2582 | MAS 568 | Le navire fut indisponible durant quelques semaines pour réparations |
Sources :
- Attività in Mar Nero e lago Ladoga, Pier Filippo Lupinacci, Aldo Cocchia, Giuliano Manzari & Massimo Paolucci, Ufficio Storico della Marina Militare, 2003
- Uomini sul fondo, Storia del sommergiblismo italiano dalle origine a oggi, Giorgio Giorgierini, Oscar Mondadori, 1994
- Navi e marinai italiani nella Seconda Guerra Mondiale, Elio Ando & Erminio Bagnasco, Ermanno Albertelli Editore, 1999
- In guerra sul mare, Erminio Bagnasco, Ermanno Albertelli Editore, 2005
- M.A.S. e mezzi d'assalto di superficie italiani, Erminio Bagnasco, Ufficio Storico della Marina Militare, 2002
- I mezzi d'assalto della Xa flottiglia MAS 1940-1945, Marco Spertini & Erminio Bagnasco, Albertelli Editore, 2005
- I mezzi d'assalto italiani 1940-1945, Parte 1a, Erminio Bagnasco, Storia Militare Dossier n°22, 2015
- I mezzi d'assalto italiani 1940-1945, Parte 2a, Erminio Bagnasco, Storia Militare Dossier n°23, 2016
- Caproni e il mare, Progetti e realizzazioni per Marina ed Esercito di un grande gruppo industriale italiano, Achille Rastelli, Giorgio Apostolo Editore, 2007
- La Regia Marina sur le front de l'Est, Les MAS et CB en Mer Noire et sur le lac Ladoga, David Zambon, Los! N°33, 2017
- MAS italiani in mar Nero, Giorgio Pitacco, Storia Militare n°41, 1997
- Черноморский флот в годы войны. 1941–1945, Александр Валерьевич Неменко, Издательство «Вече», 2015
- Подводные лодки ВМФ СССР в великой отечественной войне 1941-1945 гг., Летопись боевых походов, Часть II. Черноморский флот, Мирослав Морозов, Издательство "Стратегия КМ", 2003
- pages sur les sous-marins Shch-203, Shch-213, Shch-214, S-32 et AG-26 du site Deepstorm.ru
- page sur le croiseur Molotov du site kchf.ru
- page sur le croiseur Molotov du site navsource.narod.ru
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