Développement et production
À la fin des années 1920, l'armée italienne chercha à se doter d'une arme antiaérienne de campagne moderne pour remplacer les canons de 75/27 CK et les prises de guerre austro-hongroises de la première guerre mondiale. Après les essais infructueux d'un prototype Ansaldo de 75/50 et d'une pièce DSSTAM-OTO de 75/45, le Regio Esercito décida de tester des armes étrangères, parmi lesquelles figurait le Bofors de 80/50 mod.29 d'origine suédoise. Cette pièce d'artillerie inspira les ingénieurs d'Ansaldo lors de la réalisation du canon de 75/46, dont les 10 premiers exemplaires de présérie furent construits à Gênes en 1932.
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Prototype du canon de 75/46 en position de marche à Cornigliano en 1932. (crédits photos : Archives Ansaldo) |
Canon de 75/46 mod.34 durant les essais de tir. (crédits photo : Archives Ansaldo) |
Les essais furent concluant, et l'armée passa dès 1933 une commande de 100 exemplaires à Ansaldo. En octobre 1939, 92 canons de 75/46 avaient été livrés, tandis que 240 autres étaient en commande. L'AREP et OTO furent également sollicités pour la fourniture des tubes et des affûts. L'arsenal Ansaldo à Pozzuoli livra 232 pièces entre 1941 et 1942. Jusqu'en décembre 1942, OTO produisit 120 exemplaires du canon, tandis que 4 autres sortirent de l'arsenal Ansaldo dans les 6 premiers mois de 1943, période durant laquelle cet arsenal réalisa en outre 108 tubes de rechange. La dernière commande, portant sur l'acquisition de 472 canons à livrer fin 1943, ne fut jamais honorée à cause du manque de matières premières notamment. L'autre problème rencontré était que la production des appareils de pointage et des pneus ne suivait pas la production des armes, ce qui immobilisa de nombreuses pièces à l'arsenal de Pozzuoli en juillet 1941.
En 1941, le STeA présenta aux autorités son projet d'installation en casemate du 75/46 destiné à équiper le Vallo Alpino en défense antichar, mais il resta dans les cartons. L'étude pour l'installation du canon Ansaldo de 75/46 sur le semi-chenillé Breda 61, débutée en 1942, subie le même sort.
Description technique
Cette réalisation Ansaldo, perfectionnée par les techniciens de la DSSTAM, s'avéra être une bonne arme antiaérienne, réunissant toutes les caractéristiques nécessaires : une vitesse initiale élevée grâce à l'emploi de charges puissantes et à la longueur du tube, une cadence de tir soutenue et des secteurs de tirs importants grâce à une plate-forme en croix, qui rendait l'ensemble très stable. La bouche à feu en acier était constituée de deux tubes démontables à froid. Le tube externe montait deux guides pour le coulissement dans le manchon. La culasse à coin horizontal pouvait être ouverte manuellement ou en semi-automatique. Sous le manchon se trouvait le frein hydraulique de recul, tandis que le récupérateur hydropneumatique prenait place au-dessus.
Pour le halage mécanique, on appliquait un essieu muni de suspensions élastiques sous la plate-forme, tandis que le bras fixe à l'avant venait reposer sur un avant-train attelé à un tracteur Pavesi P4. En position de marche, les deux bras latéraux de la plate-forme étaient repliés contre le bras fixe, la section mobile du bras arrière était rabattue vers l'avant tandis l'affût et la bouche à feu étaient renversés.
Trois versions de l'arme furent produites : les mod.34 et mod.34M de campagne et le mod.40 de position. Par rapport au canon de 75/46 mod.34 d'origine, le mod.34M se différenciait par la suppression de l'avant-train pour le halage mécanique, quelques modifications mineures sur la bouche à feu et les organes d'équilibrage et sa compatibilité avec les centrales de tir Gamma.
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Canon de 75/46 mod.34 en position de marche avec avant-train. | Avant-train et essieu du canon de 75/46 mod.34. |
La première centrale de tir adaptée pour être employée avec le 75/46 fut la Gala mod.37, substituée au cours de la guerre par les Gamma mod.40 de fabrication hongroise, capables de déterminer les coordonnées exactes d'appareils volant à 540 km/h à une altitude de 7500 mètres. Cependant, en juillet 1943, sur les 31 batteries de 75/46 opérationnelles, seules 11 étaient dotées de centrales Gamma.
Le canon de 75/46 pouvait tirer des obus antiaériens mod.34 et 36 sur lesquels étaient montées des fusées à retard, ou des obus perforants introduits en 1942.
Bien qu'il constitua un net progrès par rapport aux pièces de 75 mm de la Grande Guerre, le canon de 75/46 révéla quelques faiblesses au cours de son utilisation, avec notamment la réduction de la quantité de poudre utilisée pour l'expulsion de l'obus à cause de l'usure rapide de l'âme du tube, ce qui fit chuter la vitesse initiale de ce dernier de 800 m/s à 750 m/s . Le canon de 75/46 fut rapidement dépassé en tant que pièce de position pour la défense antiaérienne territoriale, car son plafond pratique était inférieur à celui des bombardiers américains B-17, qui pouvaient évoluer à des altitudes supérieures à 10 000 mètres. Il était donc temps de passer à une arme plus puissante, le canon de 90/53.
L'épreuve du feu
Le baptême du feu du canon de 75/46 eut lieu en Espagne, où fut envoyé un gruppo sur 8 pièces. Il fut ensuite utilisé sur tous les fronts de la seconde guerre mondiale. En AOI se trouvaient 16 pièces réparties dans 4 batteries de position, qui furent toutes perdus lors de la chute de l'Empire. En ASI étaient déployés 92 canons de 75/46 en septembre 1942, pour la plupart des pièces de position. Lors de l'attaque de la Grèce en octobre 1940, 2 gruppi de position étaient déployés sur la frontière albanaise.
En août 1941, les deux uniques gruppi de 75/46 de campagne disponibles, les IV et XIX, sur deux batteries, furent assignés au CSIR pour participer à l'invasion de l'URSS. L'année suivante, l'ARMIR reçut en renfort les XXXVI, XXXVII et XXXVIII gr. sur trois batteries chacun.
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Canons de 75/46 sur le front russe. (crédits photo : via Giuseppe Calò) |
Canon de 75/46 de l'ARMIR durant l'hiver 1942-1943. (crédits photo : AUSSME) |
Entre 1942 et 1943, 8 groupes de position et 27 groupes de campagne sur 2 ou 3 batteries chacun furent créés et affectés pour certains d'entre eux aux régiments d'artillerie divisionnaire. Fin septembre 1942, l'Esercito dénombrait dans ses rangs 220 canons de 75/46 mod.34 et 6 mod.34M, tandis que la milice pouvait compter sur 45 canons de 75/46 mod.40. Ce nombre passa à 92 en janvier 1943. Lors de l'invasion de la Sicile, le canon de 75/46 équipait 8 batteries de la MACA et de l'Esercito.
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Canon de 75/46 en batterie dans les Balkans. | Canon de 75/46 mod.40 lors d'exercices de tir sur le polygone de Lungomare di Sabaudia en 1942. (crédits photo : via Giuseppe Calò) |
En 1944, la production se poursuivit pour le compte des Allemands, qui utilisèrent le canon de 75/46 entre autres comme batterie côtière en casemate sous le nom de 7,5 cm FlaK-264/3 et 4(i). Au sud, les Alliés l'employèrent pour la défense anti-aérienne de l'Italie centro-méridionale. L'Artiglieria Contraerea de la RSI récupéra également quelques pièces de 75/46, qui équipèrent deux batteries du IV gr.Ar.Co Cavalli, et partiellement les 6 batteries du VI gr.Ar.Co Paganuzzi.
Longueur de la bouche à feu | 3450 mm |
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Longueur totale en batterie | 6000 mm |
Voie | 1500 mm |
Poids de la bouche à feu | 686 kg |
Poids de la pièce en batterie | 3330 kg |
Équipe de pièce | 1 chef de pièce et 9 canonniers |
Pointage | en hauteur : 0° à +90° en direction : 360° |
Cadence de tir | maximale : 15 coups/min |
Vitesse initiale du projectile | 750 m/s |
Portée maximale | 13 000 m |
Plafond maximal | 8500 m |
Pouvoir de pénétration | 90 mm à 500 m sous une incidence de 90° |
Sources :
- Le artiglierie del Regio Esercito nella Seconda Guerra Mondiale, Filippo Cappellano, Storia Militare, 1998
- Le artiglierie del Regio Esercito nella Seconda Guerra Mondiale, Enrico Finazzer, Italia Storica, 2012
- Armi Portatili, Artiglierie e Semoventi del Regio Esercito Italiano 1900-1943, Giulio Benussi, Intergest, 1975
- Le macchine di Pavesi, le trattrici, i trattori, i rimorchi, Claudio Pergher, GMT, 2002
- Le uniformi e i distintivi del Corpo Truppe Volontarie Italiane in Spagna 1936-1939, Stefano Ales & Andrea Viotti, USSME, 2004
- Le forze armate della RSI 1943-45, Carlo Cucut, GMT, 2005
- Storia dell'Ansaldo 6. Dall'IRI alla guerra 1930-1945, Gabriele De Rosa, Gius. Laterza & Figli, 1999